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En Birmanie, les Kachin reprennent la route de l’exode

En pleine saison sèche, où la température peut atteindre les 40 degrés, les habitants essaient de trouver un peu de fraicheur sur la place principale du camp où trône une statue de Jésus.

Architecture commune des habitations du camp d’AD2000, construites sur pilotis pour se protéger des inondations lors de la saison des pluies.

Le camp d’AD2000 est à majorité catholique ; des representations de Jésus et de la Vierge Marie sont présentes dans de nombreuses habitations

Issue d’un village proche de la frontière chinoise à l’est de Bhamo, Daw Lahpai Yun est arrivée dans le camp AD2000 de Bhamo le 3 janvier 2012 avec son mari et ses trois enfants. Elle préparait son retour dans son village cette année, mais le coup d’Etat et la reprise des violences dans la région entre la Kachin Independance Army et l’armée birmane ont stoppé son projet, lui ôtant tout espoir de rentrer chez elle à court et moyen terme.

De nombreux hommes travaillent la journée en tant que journaliers dans les champs ou en ville, mais les plus agés restent dans le camp, soit seuls, soit avec leurs enfants ou petits-enfants

Des petites échoppes se sont constituées à l’entrée du camp par des habitants, afin de leur permettre d’avoir une source de revenus.

La ville de Bhamo est connue dans la région pour ses fleurs. Ici, deux femmes du camp préparent des bouquets qu’elles iront vendre sur le marché

Les habitantes se réunissent régulièrement pour préparer ensemble des repas qui seront servis lors d’événements sur le camp.

Les cuisines sont collectives, mais assignées par baraquement. La majorité du temps, ce sont les femmes et les jeunes filles qui sont chargées de la préparation des repas, pendant que les hommes travaillent dans les champs ou comme journaliers en ville.

La crise sanitaire du Covid 19 a eu pour conséquence la fermeture des écoles dans toute la Birmanie pendant plus d’un an, de mars 2020 à juin 2021, laissant les enfants sans accès à l’éducation.

La crise du Covid et les écoles fermées dans tout le pays ont poussé la chef du camp à organiser des évenements collectifs pour les enfants, comme ici un concours de chant

Nhkan Lu Bu a dû fuir son village de Num Lang début avril 2021 à cause de la reprise des combats entre la KIA et l’armée birmane. Professeur à l’école de son village, elle était restée lors des derniers épisodes de violence de 2011 ; mais la situation étant plus tendue que jamais, elle a décidé de se réfugier à Bhamo

Le coup d’état de février 2021 et la reprise des combats ont poussé une nouvelle fois de ombreux habitants de la région à se réfugier dans les nombreux camps aux alentours de Bhamo. i un éleveur de poulet est venu offrir de la viande aux nouveaux déplacés en guise de solidarité.

Daw Mai, qui est arrivée au camp d’AD2000 avec son frère et sa mère au début du mois d’avril 2021, est sans nouvelles de son mari depuis 2011. Avant d’arriver au camp, elle s’était réfugiée dans un autre camp entre 2011 et 2017 puis avait décidé de retourner dans son village. Face à la reprise des violences fin mars, elle et sa famille ont pris la décision de quitter une nouvelle fois leur maison.

L’abri de Mai dans le camp de Bhamo. Les anciens occupant du logement sont partis en laissant leurs décorations aux murs, et l’abri de 2 pièces a été coupé en deux pour doubler la capacité d’accueil.

Le camp d’AD2000 est à majorité chrétienne catholique. Des messes ont lieu tous les dimanches dans la petites chapelle située à l’entrée du camp.

La Bible et les chants religieux ont été traduits en langue Kachin, langue historiquement orale mais retranscrite à l’écrit avec l’alphabet latin par les missionnaires européens de la fin du 19e siècle dans le but de convertir les populations au catholicisme

Un prêtre du diocèse de Bhamo se rend chaque dimanche dans le camp afin de célébrer l’office, il ne fait pas partie des habitants.

Tous les dimanches, les habitants se recueillent dans la chapelle du camp en priant pour des jours meilleurs

Une jeune fille lors de l’office du dimanche, chante pendant la messe avec pour espoir que la situation dans la région s’améliore.

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Après plusieurs années de calme relatif dans le Kachin, région du nord-est de la Birmanie, les tensions sont à leur apogée en ce début d’année 2021. Le coup d’Etat du 1er février 2021 a interrompu les négociations de cessez-le-feu entre la Kachin Independance Army (KIA) et l’ancien parti au pouvoir, la Ligue Nationale pour la Démocratie. Désormais, le pays est dirigé par une main de fer par l’armée birmane, la Tatmadaw, provoquant le déracinement de près de 20 000 personnes.

Parmi elles, Daw Mai, 38 ans, a dû fuir pour la seconde fois son village de Num Lang fin mars 2021, à la reprise des combats.

Pour organiser son départ, Daw Mai ainsi que 35 autres familles du même village ont, par l’intermédiaire du prêtre local, arrangé leur évacuation au camp AD2000 dans la ville de Bhamo, situé à 25km de chez eux, où la majorité de la population est chrétienne. Ils n’ont pu emporter que très peu de possessions car le départ s’est fait dans la précipitation après des jours de bombardement par l’armée birmane.

Les camps à Bhamo sont répartis par confessions (catholique, baptiste, bouddhiste..). Le camp AD2000, à majorité catholique, se situe sur le terrain du diocèse. Lorsque les combats ont commencé dans la région en 2011, la population s’est réfugiée dans les églises, et les camps se sont construits autour au fur et à mesure. Le camp compte aujourd’hui un millier de déplacés répartis en 245 foyers, auxquels une vague de 50 autres s’est ajoutée ces dernières semaines.

Depuis 2018, plusieurs familles étaient parties retrouver leur village d’origine, grâce à la paix relative dans la région. Le coup d’État de février 2021 a poussé quelques-unes d’entre elles à quitter de nouveau leur foyer, et une cinquantaine de nouvelles familles sont arrivées des villages alentours où les combats ont repris entre le KIA et la Tatmadaw. Avant le coup d’Etat, les ONG locales et internationales dans la région, en charge de la gestion des camps, prévoyaient que les habitants pourraient retourner chez eux dans les deux ou trois ans, et les camps fermer leurs portes. La tendance s’est inversée. Les camps ne pourront accueillir que quelques centaines de personnes supplémentaires dans les mois à venir avant que la situation ne s’empire.